Dans sa conférence donnée à Montréal en novembre 2023, Mme Martina Lourdes Rojo (Universidad del Salvador) analyse les enjeux et l’évolution de la représentation des Autochtones dans la publicité de manière comparée dans les Amériques, en particulier au Québec et en Argentine.
Résumé
Dans un paysage mondial où la diversité culturelle est célébrée, la représentation des peuples autochtones demeure un défi persistant. Dès lors, il s’agit d’explorer les nuances terminologiques entourant ces communautés, en mettant en lumière l’évolution des termes liée à leurs luttes identitaires, et de souligner l’importance de choisir des termes spécifiques pour éviter les généralisations, en mettant en avant la richesse des identités individuelles.
En Amérique latine, les peuples autochtones, représentant près de 8% de la population selon la Banque Mondiale, entretiennent des liens profonds avec la terre et luttent contre la discrimination culturelle. Des instruments internationaux tels que la Déclaration universelle des droits de l’Homme et la Convention 169 de l’OIT sont cités comme des moyens de combattre cette discrimination persistante.
La prévalence des stéréotypes est particulièrement visible dans la publicité, avec des exemples frappants au Mexique, au Brésil et en Argentine. Les organisations ont réagi en dénonçant ces représentations discriminatoires, soulignant l’importance d’une sensibilisation accrue et de l’application de lois protectrices.
En Argentine, la représentation des peuples autochtones (désignés comme «pueblos originarios») dans la publicité a longtemps été marquée par des stéréotypes discriminatoires. Malgré l’existence de réglementations, les publicités persistent à présenter les membres de ces communautés de manière folklorique, niant leurs réalités politiques, économiques et culturelles. Ces représentations abusives contribuent à l’invisibilisation et à la stigmatisation des peuples autochtones, créant un climat propice à la discrimination. Bien que des lois protègent contre la publicité discriminatoire, le manque d’application effective souligne la nécessité d’un renforcement des mesures législatives et d’une sensibilisation accrue pour mettre fin à ces pratiques préjudiciables.
Néanmoins, des initiatives émergentes appellent à un changement. Des professionnels de la publicité reconnaissent l’importance de représenter fidèlement les cultures autochtones, encourageant une évolution vers des normes publicitaires plus inclusives. Des voix de la société civile mettent en avant la nécessité de sensibiliser la population à l’histoire et à la réalité des peuples autochtones, tout en exigeant des actions concrètes pour mettre fin à la discrimination policière et améliorer les conditions de vie de ces communautés vulnérables en Argentine.
Au Québec, la représentation des peuples autochtones dans la publicité est l’objet d’une attention particulière de la part de la société civile et des autorités. Des organisations telles que le Groupe d’action contre le racisme (GACR) ont formulé des recommandations visant à combattre la discrimination envers les Premières Nations. Ces recommandations s’étendent de la nécessité de mieux faire connaître l’histoire autochtone à la garantie de la sécurité culturelle des Autochtones au sein des services publics. La mort tragique de Joyce Echaquan en 2020 a intensifié l’urgence d’agir spécifiquement pour les populations autochtones, stimulant ainsi des efforts visant à améliorer l’accès à la justice et les conditions de logement de ces communautés. Cette mobilisation au Québec témoigne d’une volonté proactive de la société civile et des autorités de lutter contre la discrimination et de promouvoir le respect des droits des peuples autochtones dans tous les aspects de la vie quotidienne, y compris dans le domaine de la publicité.
En conclusion, l’éradication des représentations abusives n’est possible dans la publicité que par la reconnaissance et le respect des identités autochtones. Une transformation culturelle et publicitaire est nécessaire afin de refléter plus fidèlement la diversité des peuples autochtones et de briser les stéréotypes persistants. L’inclusion, la diversité et le changement des normes culturelles sont des éléments clés pour progresser vers une représentation plus authentique et respectueuse.
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Conférence donnée dans le cadre d’un projet PRISA de l’Agence Universitaire de la Francophonie sur « Territorialité, ressources, autochtonie : droits et représentations culturelles » et présentée par Daniel Chartier, professeur à l’Université du Québec à Montréal et directeur du Laboratoire international de recherche sur l’imaginaire du Nord, de l’hiver et de l’Arctique.
Martina Lourdes Rojo est Directrice du Programme Franco-Argentin de la Faculté des Sciences Juridiques de l’Université du Salvador – USAL (Argentiné)