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Attractivité Régionale dans le nouveau contexte global – Le cas de la Province de Misiones (Argentine)

Claire Charbit, Cheffe de l’Unité de l’Attractivité Régionale et de l’Intégration des Migrants à l’OCDE; et Sebastián Nieto Parra, Chef de l’Unité Amérique latine et Caraïbes du Centre de Développement de l’OCDE, présentent leur étude du potentiel d’attractivité sur le plan régional de la province argentine de Misiones. 

Claire Charbit

(00:28) «Je m’intéresse particulièrement à l’économie du développement régional mais aussi à l’économie industrielle, aux changements techniques, aux enjeux de la coopération -et notamment la coopération entre entreprises. C’est une des raisons pour lesquelles je suis très heureuse aujourd’hui de pouvoir intervenir auprès de la communauté française des entrepreneurs en Argentine, via la CCI. Nous travaillons au sein d’une direction de l’OCDE qui s’appelle CFE, Centre pour l’Entrepreneuriat, les PME, les régions et les villes. Nous nous occupons aussi de tourisme. L’Argentine n’est pas membre de l’OCDE mais peut y être invité; et d’ailleurs il y a un processus qui est en cours. L’Argentine souhaite obtenir le statut de pays membre. C’est un très long processus qui mobilise beaucoup de parties pour évaluer la pertinence de la candidature.

(02:30) «C’est la première fois que je travaille en Argentine. Préalablement j’avais beaucoup travaillé avec le Brésil, la Colombie et bien sûr les pays membres de l’OCDE que sont le Chili, le Mexique, le Costa Rica. Nous travaillons aussi beaucoup avec le Pérou. C’est vrai qu’il y a un  certain nombre de particularités en matière de développement régional qui est propre à l’Amérique latine».

Sebastián Nieto Parra

(03:35) «Avant de de rejoindre l’OCDE, j’ai travaillé au Banco Santander, à Madrid. Le Centre de Développement de l’OCDE se charge de travailler avec les économies émergentes et les pays en voie développement. Cela concerne donc aussi des pays non membres de l’OCDE. Tous reçoivent cependant le même pouvoir de discussion, dans la gouvernance du Centre de Développement. Nous avons 14 pays de l’Amérique Latine et des Caraïbes dans ce groupe. L’Argentine en fait partie, indépendamment de son processus d’adhésion à l’OCDE. Nous intégrons aussi des pays frontaliers, comme le Chili, le Paraguay et l’Uruguay. Notre travail consiste surtout à faire des des études qui ont une vision aussi large que possible du développement de ces pays. Nous utilisons différents outils et nous aidons à l’exécution des réformes nécessaires dans ces pays».

(05:30) «Nous publions un rapport sur la région, le Latin American Economical Perspective. Nous le produisons chaque année avec la CEPAL, la commission des Nations Unies pour l’Amérique Latine et les Caraïbes. La Banque de Développement pour l’Amérique Latine et la Commission Européenne font aussi partie de l’élaboration de ce document annuel, dans lequel nous traitons des sujets de développement structurel. Nous y faisons aussi une analyse conjoncturelle de la situation macro et sociale de la région. En parallèle, nous produisons d’autres rapports, plus ciblés, comme par exemple sur la situation fiscale, le bien-être, l’informalité, etc. Le public peut accéder à ces rapports depuis le site web de de l’OCDE. Ils sont totalement gratuits.

Claire Charbit

(07:50) «Il y a des tendances de fond qui sont connues, comme le changement climatique, le changement technologique ou le changement de type démographique (notamment dans les vieux pays d’Europe). Ce qui est remarquable, c’est qu’il n’affectent pas les régions de la même manière. De notre coté, nous avons réalisé une étude qui est l’équivalent des rapports qu’a présenté Sebastián. Il s’agit d’un Regional Outlook, sur la base d’un territoire de la taille d’un département en France, que dans notre nomenclature nous appelons Niveau Territorial 3. Quand on compare les régions du monde de l’OCDE, elles ont tendance à se rapprocher en terme de PIB par tête. En revanche, à une échelle plus granulaire, nous assistons à un accroissement des disparités. Elles ne se manifestent pas simplement en terme de PIB par tête mais par tout un ensemble d’indicateurs, qui vont de l’accès à la santé à l’accès à Internet».

(10:00) «Il y a une transition majeure qui est la transition climatique. A nouveau les régions sont dans des situations très différentes. L’accès à des énergies vertes, la construction de logements, l’accès à l’eau, la souveraineté alimentaire: ces paramètres n’affectent pas les territoires de la même manière. Le degré de prise de conscience, voire de souffrance, des populations n’est pas le même. Ce qui signifie que les réponses que nous devons apporter ne sont pas les mêmes non plus.

(11:50) «Dans le travail que nous conduisons il y a une expression qu’on aime bien utiliser et qui a été d’ailleurs reprise par la Commission Européenne. Il s’agit des «géographies du mécontentement». Quand vous n’êtes pas content, c’est très localisé et ça se traduit par des votes, souvent pour des partis extrêmes et des solutions radicales à tendance populiste. Cette géographie du mécontentement est cruciale pour les gouvernements démocratiques et pour des acteurs supranationaux comme la Commission Européenne. Les pays mettent en place des actions qui vont aussi impacter sur le choix des entreprises. Certains vont rapatrier les investissements, d’autres vont vouloir être plus attractifs que leurs voisins. Chacun y va de son programme. A l’OCDE nous n’aimons pas parler de souveraineté, mais il y a un petit peu de ça derrière l’idée qu’il est opportun d’être moins dépendant des autres et d’avoir les bons leviers sur place pour l’action et la production».

Sebastián Nieto Parra

(14:23) «Notre étude souligne l’importance d’aller au-delà du PIB quand on mesure le développement. Il faut en tenir compte de plusieurs indicateurs et variables et tenir compte des situations des régions. Le paramètre du revenu est important, mais il faut aller au-delà. Nous incluons les services publics, la santé, l’éducation, les compétences des personnes, la performance de l’éducation, l’environnement et sa qualité. Une approche multidimensionnelle est fondamentale pour aborder la situation des régions. Les trois variables que l’on prend en compte sont les talents, les investissements et les visiteurs, pour mesurer l’attractivité d’une région. C’est un sujet très important pour l’Amérique Latine et certaines régions de l’Argentine, comme Misiones».

(17:05) «Je voudrais rajouter que les indicateurs sont fondamentaux pour nous, pour savoir où on est. Dans le cas de l’Argentine, c’est un défi très important puisque nous n’avons pas d’indicateurs comparables entre les différents départements et les différentes provinces. C’est un des défis que nous avons souligné dans notre rapport. Sans indicateurs comparables il est très difficile de donner des recommandations politiques».

Claire Charbit

(17:57) «Effectivement, il faut avoir une approche à l’échelle des régions. Cela veut dire que nous avons besoin de comparer la situation des différentes régions avec lesquelles on travaille. Nous les comparons entre elles, dans un même pays. Mais aussi entre régions comparables dans le monde. Une des difficultés qui caractérise notre travail en Amérique Latine -d’une manière générale, mais particulièrement en Argentine- c’est qu’il n’y a pas de données régionales harmonisées, ni d’indicateurs régionaux partagés entre les différents ministères et les provinces. Certaines régions ont leur propre système d’indicateurs alors que d’autres ne produisent que très peu de données».

(19:05) «Quand ces données sont disponibles, nous collectons une cinquantaine d’indicateurs, organisés par thème. Nous prenons les indicateurs qui retracent l’attractivité économique d’un territoire, son marché de l’emploi, l’innovation, la réussite économique, l’attractivité en matière de tourisme, l’offre d’infrastructure touristique, les aménités environnementales et culturelles, le patrimoine, etc. Nous nous intéressons aussi à des choses un petit peu plus cachées mais qui sont pourtant essentielles comme la disponibilité foncière et le logement abordable. Si l’on veut attirer une industrie ou une entreprise, il faut de l’espace. Certains pays sont plus avantagés que d’autres. Nous prenons en compte la qualité de la vie, l’accès à la santéet l’éducation, la cohésion sociale, etc.».

Attirer des entreprises, c’est attirer les salariés. S’il n’y a pas de services publics ces professionnels sont moins tentés. C’est d’ailleurs l’unes des questions qui se posent pour Misiones.

(21:15) «Ce qui nous intéresse ce sont donc tous ces aspects de connexion en terme de transport ou d’Internet haut débit. Un dernier point et pas des moindres, nous évaluons la qualité de l’environnement. On tient compte de deux familles d’indicateurs: la qualité de l’environnement (surface boisée, qualité de l’air, etc) et la qualité de l’action publique (la transition verte, par exemple) et les investissements en cours relatifs à l’eau et l’énergie. Avec tout cela, nous créons des «boussoles d’attractivité régionale», qui vont servir aux acteurs publics et privés pour qu’ils puissent voir quelles sont les priorités dans une région, ce qu’ils peuvent y trouver ou pas, et comment les choses peuvent évoluer avec le temps».

Sebastián Nieto Parra

(22:57) «Tout d’abord il y a des défis importants pour Misiones en terme de connectivité. C’est une province éloignée, qui a des améliorations à faire en terme de connectivité, d’infrastructure, de transport et de logistique. Le coût du transport routier est très élevé en Argentine et il est difficile d’exporter la production locale. Il n’ya pas eu de développement alternatif du chemin de fer, ce qui est une des recommandations que nous donnons. Le transport ferroviaire peut aider à diminuer les coûts et les dommages causés à l’environnement. Le port de Posadas est une bonne nouvelle pour Misiones, mais il faut savoir l’exploiter. Il y a aussi une autre bonne nouvelle relative à Misiones. C’est le grand nombre de coopératives dans le secteur agricole. Elles produisent de la yerba mate, du miel, du sucre bio et d’autres produits. Ces coopératives sont des secteurs clés pour le développement de Misiones».

(26:45) «La présence de ce réseau de coopérative peut se transformer en modèle pour d’autres régions. C’est un atout intéressant pour le développement économique et ça apporte un plus quant à l’ attracction internationale de la province. Ce maillage peut donner un angle d’entrée plus facile aux entreprises et aux investisseurs».

Claire Charbit

(27:20) «Nous avons été très impressionnés par une initiative en Argentine qui s’appelle la Ruta Natural. Plutôt que d’aller systématiquement toujours dans les mêmes lieux au même moment dans l’année, cette démarche alternative aide les visiteurs à connaître différents endroits. C’est une réussite très particulière en Argentine, pour moi. Il a fallu coordonner avec les différentes provinces et on sait très bien que dans un pays aussi fédéral, la relation état-province est très compliquée. Unir les forces sur un même site dans une démarche qui va aider des territoires enclavés et les faire exister en terme de visibilité touristique est une grande réussite. C’est une pratique que nous suggérons d’ailleurs au pays membres de l’OCDE. Nous l’avons intégré à notre liste des super bonnes pratiques».

(Fotos: La Ruta Natural – Secretaría de Turismo, Ambiente y Deportes de la Nación)

 

Sebastián Nieto Parra

(29:30) «Le sujet du marché du travail et son informalité est très important pour nous. Quand on travaille sur l’Amérique Latine, nous trouvons des chiffres qui ne se sont pas amélioré depuis plusieurs décennies pour certains pays; tandis que pour d’autres il y a eu des progrès, comme par exemple au Pérou. Ce pays est un bon exemple pour montrer que la croissance économique ne suffit pas pour éliminer l’informalité. Nous avons un pays avec un taux de croissance très élevé par rapport au reste de l’Amérique Latine; mais le taux d’informalité y est toujours de presque 70 %. Au niveau du continent, presque 45 % des ménages vivent dans l’informalité. Dans le cas de l’Argentine, ce taux tourne autour de 35 %. En même temps, nous y trouvons 60 % des ménages dans lesquels au moins un des travailleurs est informel. Le défi est énorme. Nous insistons beaucoup dans le rapport pour mettre en oeuvre des réformes ciblées et de revoir le coût de la formalisation. Il faut aller au-delà aussi des régulations du marché du travail et insister plutôt sur les opportunités grâce à une diversification économique et sur les investissements. Le lien est direct avec le résultat escompté et l’attractivité de la région en question».

(32:30) «En Amérique Latine nous trouvons des cas intéressants comme l’Uruguay, qui a réussi à réduire fortement l’informalité depuis quelques années. Il y a eu des opportunités de créées dans certains secteurs, mais surtout il y a eu un travail sur la génération de meilleures compétences. Sans politique publique pour améliorer le capital humain, les actions impactent seulement sur les personnes qui ont un emploi formel et qui ont un niveau d’éducation élevé. L’Uruguay est donc un exemple et qui peut servir de modèle pour l’Argentine».

Claire Charbit

(34:30) «Pour les entreprises il est absolument essentiel de «muscler» leur action en s’appuyant sur des structures comme les chambres de commerce ou sectorielles. Je pense qu’il y a une rationalité à ce que ces chambres soient organisées par région car les besoins ne sont pas
les mêmes dans tous les secteurs mais il est important d’avoir un plédoyer commun. C’est essentiel surtout pour les PME pour renforcer les compétences et unir les forces. Grace à ces structures, les entreprises peuvent pallier des politiques déficiantes, comme dans la cas des formations, pour mettre en place des structure de formation qui couvrent leurs besoins. Nous voyons ainsi qu’elles pénètrent la sphère usuellement réservée à l’action publique. C’est vrai pour la formation professionnelle mais c’est aussi le cas de plus en plus dans un certain nombre de pays pour le logement, comme dans le nord de la Suède».

(37:35) «Il y a un dernier point que je voudrais mentionner c’est qu’à l’OCDE nous dialogons directement avec les chambres de commerce quand elles sont unies dans des structures collectives, comme c’est le cas l’Eurochambre».

MÁS INFORMACIÓN SOBRE EL DESARROLLO Y LA INCLUSIÓN EN LA PROVINCIA DE MISIONES 

Claire Charbit

Ha desarrollado el trabajo de la OCDE sobre estrategias regionales para un atractivo inclusivo y sustentable, así como el programa de trabajo de la OCDE sobre gobernanza multinivel, que ha servido de base a numerosos estudios, como los relativos a la integración local de los migrantes y el uso de contratos en los distintos niveles de gobierno. Cuenta con 20 años de experiencia en la OCDE especializada en desarrollo regional, atractivo regional, gobernanza multinivel, contratos gubernamentales, integración territorial de los migrantes y economía política de las reformas.  Claire Charbit es doctora en Economía, especializada en economía institucional, por la Universidad de Niza-Sophia Antipolis.

Sebastián Nieto Parra

Es Jefe para América Latina y el Caribe del Centro de Desarrollo de la OCDE. Coordina y gestiona el informe Perspectivas económicas de América Latina, escrito conjuntamente entre la OCDE, CAF, CEPAL y Unión Europea, los Estudios Multi-dimensionales de la OCDE sobre América Latina y Estadísticas Tributarias de América Latina y el Caribe. Igualmente tiene a su cargo otros informes regionales, incluidos análisis sobre la medición y uso del bienestar así como sobre la informalidad en la región. Ha participado y coordinado varios informes de la OCDE sobre economías emergentes y en desarrollo. Antes de vincularse a la OCDE, trabajó como economista senior para América Latina para el Grupo Santander y fue igualmente funcionario del Banco de la República y del Ministerio de Hacienda de Colombia. Sebastián Nieto Parra completó sus estudios de posgrado en economía en Sciences Po Paris y Toulouse School of Economics. Es Doctor en economía de Sciences Po Paris. También enseña la economía política de los mercados emergentes en Sciences Po Paris.

 

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